
Avec la mondialisation, la mobilité des personnes s’est accrue. Mais déménager dans un autre pays, être confronté à des comportements différents et parfois vivre dans une autre langue ne va pas de soi, loin s’en faut. Etudier ou travailler dans une culture étrangère où les attentes et les méthodes ne coïncident pas forcément avec celles qui nous sont familières nécessite un temps d’adaptation. Cette période d’acclimatation est largement documentée et s’appelle le choc culturel.
De la lune de miel à la routine
Depuis plus de vingt ans, la plupart des universités américaines proposent à leurs étudiants, étrangers et américains, des programmes d’orientation qui les préparent à cette expérience très particulière. On explique aux étudiants les phases qu’ils vont traverser afin qu’ils puissent mieux les vivre.
D’abord, c’est la lune de miel, on tend à idéaliser son nouvel environnement, tout est nouveau, tout est surprenant, tout est excitant : c’est l’euphorie. Si je prends l’exemple des étudiants américains avec qui je travaille beaucoup, dans les premiers temps : ils voient le Paris de carte postale, la Tour Eiffel et les Tuileries, la ville rêvée à travers le cinéma.
Puis vient la routine, tout est constamment différent et, sur le long terme, cela devient fatiguant. Rien ne va de soi, il faut tout réapprendre. Par exemple, où trouver les œufs et le lait dans un supermarché ? Au rayon frais dans de nombreux pays anglophones mais dans des allées non réfrigérées en France…ce qui déstabilise beaucoup les étudiants américains lors de leurs premières semaines de vie en France et leur pose beaucoup de questions : pourquoi ne sont-ils pas au frais ? Peut-on les consommer en toute confiance ? etc.
C’est le choc culturel à proprement parler. L’idéalisation fait place à une réévaluation des attentes qu’on pouvait avoir du pays, de sa culture, de son expérience à l’étranger. C’est un moment de doute et de remise en question qui peut être douloureux. Cette phase peut donner lieu à de grandes frustrations, des incompréhensions choquantes, et parfois mener au rejet de la culture hôte. Prendre conscience de l’ampleur du travail d’adaptation n’est pas une mince affaire !
Choc culturel : le temps de l’acceptation
Puis, avec le temps, on finit par trouver de nouveaux repères, par se synchroniser avec son nouvel environnement : c’est l’acceptation. L’expérience, souvent douloureuse, l’observation de la répétition des comportements, mais aussi le mimétisme jouent un rôle non négligeable dans cette phase. De nombreux étudiants américains ont appris à leurs dépens que l’on doit faire ses courses le samedi ou le dimanche matin au plus tard si l’on veut manger le dimanche soir. Si on a une heure avant son cours pour déjeuner, on ne va pas au restaurant mais on s’achète plutôt un sandwich. En France, si vous voulez que le serveur vous apporte l’addition, vous lui demandez, sinon vous allez attendre longtemps !
Prendre plaisir à être dans une nouvelle culture
Enfin, vient la phase d’adaptation. Non seulement on sait faire dans cette nouvelle culture mais on prend, à présent, du plaisir à faire différemment, à faire une nouvelle expérience de soi et du monde. Les comportements qui allaient à l’encontre de notre propre logique, qui agaçaient, qui menaient souvent au jugement commencent à être envisagés non plus du point de vue de la culture d’origine mais du point de vue de la culture d’accueil.
Au début de leur séjour parisien, mes étudiants américains ont une assez mauvaise image du service client, en particulier au restaurant. Le temps d’attente leur semble trop long, l’attention des serveurs pas suffisante envers les clients, les restaurateurs font preuve d’un manque de flexibilité incompréhensible aux demandes de modification des plats. Bref, d’un point de vue américain, le service client français leur apparaît totalement déplorable.
Toutefois, après quelques mois, nombreux sont les étudiants qui apprécient de passer deux heures à table avec des amis et de pouvoir profiter de l’instant présent sans être interrompus dans leurs conversations. Ils finissent par chérir d’avoir le temps de goûter et de savourer leur plat, de ne pas être pressés de passer à une autre activité, de prendre le temps d’avoir le temps !
Le choc culturel est une expérience intense mais extrêmement enrichissante. Apprendre à ne pas juger une norme culturelle mais à en comprendre la logique dans un environnement plus large est la clé d’une grande liberté !
Hélène